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Les petites histoires des gardes à vue

Lorsqu’une garde à vue débute, toute personne mise en cause peut demander l’assistance d’un avocat de son choix ou de celui qui est de permanence ce jour-là. Celles-ci ont fortement chuté depuis une réforme d’avril 2011.

Lorsqu’une garde à vue débute, toute personne mise en cause peut demander l’assistance d’un avocat de son choix ou de celui qui est de permanence ce jour-là. Celles-ci ont fortement chuté depuis une réforme d’avril 2011.

Avec la réforme de la garde à vue, entrée en vigueur en avril 2011, les avocats peuvent assister leurs clients dès le début des auditions.

Ce sont de petites histoires qui ne sortent jamais des murs du commissariat de police ou des brigades de gendarmerie. Avec la réforme de la garde à vue – suite à une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme qui a jugé qu’elle était contraire au droit – les avocats peuvent assister, dès le départ de l’enquête, des personnes soupçonnées de crime ou de délits, plus ou moins graves. D’ailleurs, depuis deux ans et demi, « il y a eu une chute spectaculaire du nombre de garde à vue », sourit un avocat du barreau. Une explication peut-être ? « Beaucoup ne font pas appel à nous parce qu’on leur dit que ça ne va pas forcément leur être utile. Et s’ils veulent sortir rapidement, c’est le meilleur moyen», glisse-t-il.

Tout est bon, en effet, pour gagner du temps. C’est ce qu’on appelle dans le jargon policier, « le bâtonnage ». Plus il y a de gardes à vue, plus il y a de bâton. Ce constat n’est plus vrai aujourd’hui. Ces rencontres entre avocats et justiciables laissent cours à quelques anecdotes. C’est du vécu, de l’histoire vraie. Maxime Gallier fait partie de ces jeunes pénalistes qui viennent de débuter leur carrière. Inscrit au barreau depuis novembre 2011, il a débuté ses plaidoiries sous l’égide de la nouvelle loi. « J’ai été appelé pour un monsieur d’une cinquantaine d’années, prétendument placé en garde à vue pour une ivresse publique, rapporte-t-il. Il titubait sur la route alors qu’il était à pied. » Pour les policiers qui l’ont contrôlé, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. La suite va leur donner tort comme le raconte l’avocat. « Je le reçois, il ne dit pas un mot. Il a le regard hagard. Au début de l’entretien, je le vois blêmir, son visage change nettement d’apparence. Il n’était pas ivre mais il était en train de faire un AVC. » La garde à vue tourne court aussitôt et l’homme a été transféré au centre hospitalier.

Webcam défaillante, le mineur est blanchi

Il y a aussi ces situations où l’évidence n’est pas à nier. Mais bon, la nature humaine est ainsi faite. Maxime Gallier toujours : « J’assiste un jeune issu de la communauté des gens du voyage soupçonné de vols. Il s’insurge et prétend des discriminations vis-à-vis de cette communauté. Il y a des témoins (ndlr, de sa famille) qui expliquent qu’il ne se trouvait pas dans le supermarché ce jour-là. » Mais, la vidéosurveillance du magasin ne laisse pas planer le doute. « On voit clairement sa main dans le sac à main d’une cliente. » Ce n’est pas fini. Malgré la vidéo, le jeune homme persiste dans ses dénégations. « « C’est bien ma main »,a-t-il finalement reconnu. Tout en ajoutant qu’il ne s’agissait pas de son bras. » Comprenne qui pourra à cette stratégie de défense alambiquée.

Beaucoup d’affaires saint-quentinoises concernent les trafics de stupéfiants. L’Aisne est une terre de transit, proche de la Belgique, l’eldorado des toxicomanes avec la Hollande. Mais il y a ceux, adeptes de la fumette, qui investissent dans l’autoculture de cannabis. « J’ai eu toute la peine du monde à lui faire comprendre que faire pousser un pied de cannabis est plus sanctionné que de vendre de la drogue. Il m’a expliqué que c’était pour des raisons thérapeutiques. Il n’a jamais vendu, ni cédé gratuitement », souffle un autre avocat. Le comble, à l’issue de sa garde à vue, l’homme a demandé « jusqu’au bout, s’il n’y avait pas moyen de récupérer ses pieds parce qu’il en avait besoin et qu’il était trop tard pour recommencer une culture ».

Enfin, il y a le détail qui tue dans l’œuf une procédure judiciaire. Lorsqu’un mineur en garde à vue est interrogé, son audition est obligatoirement filmée. « L’audition débute et elle dure plus de trois heures. Il est soupçonné de vols en réunion. À l’issue, il est renvoyé devant le tribunal pour enfants. Malheureusement, la webcam n’a pas fonctionné », se souvient Me Gallier. Qui a obtenu, par la suite, l’annulation de toutes les pièces. Le mineur n’a pas été inquiété. C’est la loi. Un avocat, ça sert aussi à ça.

GUILLAUME CARRÉ – Courrier Picard